Mars 2023
Le RIF déplore la disparition du projet de l’Espace Prévert à Savigny-le-Temple en Seine-et-Marne, qui fragilise de nouveau la diversité artistique et culturelle sur le territoire régional après l’arrêt des projets portés ces deux dernières années par les MJC de Ris-Orangis, de Limours et du Mée-sur-Seine. En 10 ans, ce sont donc 13 associations adhérentes du RIF qui ont disparu dans le cadre d’un conflit avec leur municipalité. Un constat amer qui pousse le RIF à travailler à une mobilisation sur ces disparitions.
Après 40 années d’activités, le projet associatif, artistique et culturel de l’Espace Prévert n’est plus. En janvier 2022, la ville de Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne) a décidé la municipalisation du projet jusqu’ici porté par l’association Espace Prévert Animation. Cette reprise en direct de la gestion de l’équipement a provoqué l’arrêt brutal d’un projet artistique et culturel pourtant singulier et ambitieux, caractérisé par une programmation riche et de qualité, principalement orientée sur les musiques du monde et les musiques traditionnelles, associée à des résidences de création.
Notre réseau de professionnel·les de la musique en Ile-de-France déplore cette disparition : après avoir échangé avec le président de l’association Espace Prévert Animation et rencontré la directrice des affaires culturelles de la ville de Savigny-le-Temple, notre conseil d’administration a décidé à l’unanimité de l’exclusion de l’Espace Prévert de notre association, dont le nouveau projet culturel ne satisfaisait plus à nos critères d’adhésion. Bien entendu, la ville de Savigny-le-Temple dispose de toute la légitimité pour administrer en toute liberté et conscience ses équipements municipaux comme pour définir et retravailler ses objectifs de politique culturelle, mais notre association déplore toutefois la méthode qui a été mise en œuvre dans cette municipalisation, caractérisée par une absence de concertations, tant auprès des populations de Savigny-le-Temple et de ses alentours qu’auprès des professionnel·les du secteur.
De plus, nous ne pouvons que regretter la disparition du projet artistique et culturel développé depuis plusieurs décennies à l’Espace Prévert, un projet qui rayonnait à travers l’ensemble du territoire seine-et-marnais et bénéficiait de soutiens forts et réaffirmés du Département comme de la DRAC Ile-de-France. Il constituait un point d’ancrage unique dans notre région pour les pratiques musicales, valorisant des cultures, des langues et des approches de la musique véritablement singulières (transmission du patrimoine, oralité…). Nous déplorons ainsi cette disparition qui affaiblit de fait la diversité artistique et culturelle que nous défendons, tout comme la dynamique associative et l’offre de concerts sur le territoire pour les populations.
Une série noire en Ile-de-France depuis 2020
Malheureusement, la disparition du projet de l’Espace Prévert n’est pas un cas isolé. Depuis les dernières élections municipales de mars 2020, notre réseau a constaté pas moins de trois autres disparitions d’associations portant des projets musiques actuelles en Ile-de-France. À l’été 2020, la ville de Ris-Orangis en Essonne a ainsi annoncé sa volonté d’arrêter de subventionner la MJC – Centre social – Centre de Musiques Traditionnelles sur son territoire et a repris les locaux mis à disposition de l’association depuis plus de 50 ans, provoquant la liquidation judiciaire de la MJC. Bien que la ville ait alors annoncé le lancement d’un nouveau projet plus ou moins similaire à celui de la MJC, aucun projet n’a vu le jour plus de deux ans après la fermeture de la MJC de Ris-Orangis.
En 2022, deux autres remises en cause de projets musiques actuelles portés par des associations ont eu lieu, d’abord à Limours (91) où la municipalité a supprimé là encore sa subvention et repris les locaux mis à disposition de l’association MJC – Centre social Le Studio. En Seine-et-Marne, c’est la MJC Le Chaudron qui a fermé ses portes à l’été 2022, à la suite de l’annonce par la ville du Mée-sur-Seine en début d’année de la reprise de l’ensemble des activités dédiées aux musiques actuelles menées par la MJC : programmation de concerts et de spectacles jeunes publics, accueil en studio de répétition et d’enregistrement, accueil en résidences de création et accompagnement de la scène locale…
Un état des lieux du RIF sur 10 années de fragilisation de la diversité artistique et culturelle en Ile-de-France
Si chaque contexte et chaque situation sont différentes, tout comme les suites qui y sont données par les municipalités, nous nous alarmons des discours politiques qui ont été tenus pour justifier l’arrêt des subventions municipales et les reprises des locaux, caractérisés par une forte défiance envers les associations. Notre réseau tient à s’opposer fermement à ces attaques contre les libertés associatives et à réaffirmer ici l’importance de ces initiatives citoyennes, tant au sein de l’écosystème des musiques actuelles que pour les habitantes et habitants des territoires sur lesquels elles déploient leurs actions, au service de l’intérêt général.
De façon plus générale, notre réseau constate un accroissement des difficultés pour les structures dédiées aux musiques actuelles dans notre région, notamment dans les relations avec leur collectivité de proximité : baisses de subventions justifiées par la crise du Covid ou plus récemment par l’inflation des coûts énergétiques, remises en cause de tout ou partie des projets musiques actuelles, réflexions autour des modes de gestion des équipements dans une logique d’économie, parfois de désengagement de la collectivité, parfois encore dans cette logique de défiance vis-à-vis du modèle associatif. Ces situations qui se multiplient nous font craindre une fragilisation accrue de la diversité des pratiques artistiques et culturelles en Ile-de-France, déjà fortement impactées par les baisses de fréquentation liées au Covid et des recettes qui y sont liées (billetterie, bar, restauration éventuellement), comme par l’inflation continue des coûts artistiques depuis une décennie.
Surtout, ces situations s’inscrivent dans un cadre plus large : depuis 10 ans, ce sont 29 structures dédiées à la musique et adhérentes de nos réseaux qui ont connu des difficultés importantes dans la relation à leur collectivité, difficultés se caractérisant la plupart du temps par des baisses importantes de financement public et des réductions du volume d’activités musiques actuelles. Parmi elles, 13 ont été contraintes de mettre la clé sous la porte en Ile-de-France, à la suite de pressions ou de décisions politiques de la part de leur collectivité.
Aussi, pour mieux comprendre les mécanismes de ces disparitions et de ces difficultés en Ile-de-France, pour mieux réaffirmer aussi la nécessité d’un tissu culturel dense au service de toutes les pratiques artistiques et culturelles des habitant·es de notre région, le RIF a débuté en 2022 un état des lieux sur ces difficultés que rencontrent notre secteur depuis 10 ans. Une mobilisation de notre réseau verra ainsi le jour courant 2023 pour à la fois partager ces constats avec les professionnel·les du secteur comme le grand public, sensibiliser les élu·es francilien·nes sur les mouvements de fond que traverse notre fragile écosystème et initier des concertations avec les pouvoirs publics et représentant·es de collectivités pour permettre une meilleure prise en compte des musiques actuelles dans les politiques culturelles.
Le RIF – Réseau des musiques actuelles en Île-de-France
Contact
Gaël Chavance
Le RIF – Maison des Réseaux Artistiques et Culturels, 221 rue de Belleville 75019 Paris
gael[a]lerif.org | Tél : 07 63 31 01 02
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