Nos 20 organisations* ont souhaité communiquer ensemble en cette période de crise pour soulever collectivement plusieurs constats et appeler à la solidarité.
Nous représentons ensemble 1500 structures : associations, coopératives, TPE, PME indépendantes et à lucrativité limitée de l’ensemble de la filière des musiques actuelles.
Ce sont des producteurs de spectacles, des labels et des éditeurs, des festivals, des salles de concert dont la quasi-totalité des SMAC, des centres de formation et des écoles de musique, des radios, des réseaux et fédérations, etc. Toutes sont à l’arrêt depuis les annonces du Gouvernement des 13 et 16 mars.
Cela induit un déficit de recettes propres pour nos structures de l’ordre de 300 millions d’euros pour la période allant du 15 mars au 31 mai prochain : annulation de plus de 20.000 représentations, arrêt de toutes les activités d’éducation artistique ou de formation en présentiel, fermeture des studios de répétition, mise à l’arrêt des pratiques musicales en amateur, fermeture des magasins de disques, sorties de disques amputées ou reportées, fin des prestations annexes (événementielles ou restauration) essentielles à nos modèles économiques pluriels…
Au-delà de ces chiffres édifiants, nous souhaitons aussi mettre en lumière les angles morts que cachent ces chiffres :
- D’abord et avant tout la grande précarité qui pèse sur les artistes et les technicien.ne.s intermittent.e.s du spectacle qui sont l’essence même de nos activités. Ceux-ci sont touchés non seulement par l’annulation des dates de spectacles, mais aussi par l’arrêt de tous les projets de résidences et d’actions culturelles que nous avons l’habitude de mener dans les écoles, hôpitaux, prisons, EHPAD, etc. ;
- Ensuite l’ensemble de nos partenaires : distributeurs, prestataires techniques, hôtellerie, restauration, entreprises de ménage ou de sécurité, etc. sont de facto concerné.e.s par cette crise puisque nous ne sommes plus en mesure de leur apporter le volume de travail habituel ;
- Ces chiffres masquent encore tous les investissements réalisés pour la production de tournées ou d’albums et qui vont devoir à nouveau être investis dans le cadre des reports ou qui seront alors définitivement perdus ;
- Ces chiffres ne reflètent pas non plus l’entièreté des annulations de privatisations, les pertes de mécènes ou de sponsoring que cette crise implique ;
- Ces chiffres ne laissent pas apparaître non plus les difficultés de trésorerie que rencontrent nombre d’acteurs du secteur, difficultés renforcées encore par la paralysie administrative municipale et métropolitaine, du fait du report des élections et de l’arrêt des exécutifs en fin de mandat ;
- En outre, cette “période blanche” va induire un “embouteillage” à la reprise, les salles de concert n’étant pas en mesure de programmer toutes ces dates en plus de celles déjà prévues au planning. Il ne pourra donc pas y avoir que des reports : des annulations sont inévitables, dans un contexte d’hyper concurrence. Sans parler du comportement des publics et des impacts psychologiques ;
- Le secteur de la musique enregistrée et de la production phonographique est confronté à une situation totalement inédite avec l’arrêt complet des ventes physiques CD et vinyles et de la VPC de la plupart des labels, de même les premières tendances du streaming sont également à la baisse malgré ce que l’on aurait pu attendre ;
Dernier point provisoire, si les besoins de trésorerie vont être vitaux pour la survie des entreprises, leurs capacités de rebonds en sortie de pandémie imposent de penser les dispositifs de soutien dans un temps long et non uniquement en termes d’urgences, via un plan de relance. En effet l’impact de cette crise ne pèsera pas uniquement sur ces prochains mois mais bien évidemment au moins sur la saison entière voire les suivantes…
Compte tenu de cette situation inédite, nos organisations demandent que :
- Les intermittent.e.s du spectacle, les professeur.e.s de musique et les formateurs.trices soient éligibles comme les salarié.e.s permanent.e.s au dispositif d’activité partielle ;
- Les dispositions envisagées par le Gouvernement en faveur des intermittent.e.s du spectacle annoncées le 19/03/2020 prennent en considération un délai supplémentaire dans le cadre de la “neutralisation de la période de référence” puisqu’inévitablement l’activité ne pourra recommencer dès le lendemain de la fin de la période de confinement. De surcroît nombre de dates de spectacles reportées à l’automne ou à 2021 auront un effet sur les dates de travail des intermittent.e.s qu’il convient donc d’avoir à l’esprit ;
- Les entreprises culturelles soient elles-aussi éligibles au dispositif de droit commun annoncé par le Ministre de l’économie dans le cadre du plan doté de 45 milliards d’euros ;
- Le Ministère de la culture mette en place des mesures ad hoc pour les entreprises du secteur musical et plus largement celles du spectacle vivant. Nous nous sommes prononcés en faveur de la création d’un fonds de secours lors du CA du 18 mars du Centre National de la Musique afin de permettre aux entreprises les plus fragiles d’éviter la cessation de paiement imminente. Toutefois nous appelons de nos vœux que son périmètre soit revu : considérant la nature systémique des impacts sur l’ensemble du champ musical, il est difficilement entendable que seules les structures détentrices d’une licence puissent en être bénéficiaires. Le CNM fait ses premiers pas dans un contexte inédit. Il doit être à la hauteur de la solidarité interprofessionnelle qui ne demande qu’à s’exprimer. Par ailleurs, comme s’y sont engagés les représentants de l’Etat : ce plan de secours ne peut constituer un “solde de tout compte” pour notre secteur. Des mesures de plus grande ampleur et avec un abondement de l’Etat doivent être mises en place pour les structures relevant du périmètre du CNM. Nous invitons en outre les collectivités territoriales à coordonner leurs fonds d’urgence avec les mesures nationales ;
- Les collectivités territoriales s’engagent à maintenir le versement de l’intégralité des aides déjà accordées ou prévues même lorsque l’action n’a pu être menée en totalité, à mettre en place des mesures de simplification et d’accélération des soldes de subventions; nous demandons également qu’elles honorent et paient les contrats de cession prévus avec les producteurs de spectacles avec qui elles ont contractualisé, même en cas de “service non fait” ;
- Les sociétés civiles poursuivent la tenue de leurs commissions à distance pour ne pas mettre davantage en difficulté les entreprises, versent rapidement les soldes et maintiennent les aides déjà versées, même lorsque les actions n’auront pu avoir lieu ;
- Les grandes enseignes de la distribution paient en temps et en heure leurs fournisseurs, au risque de les fragiliser, eux et les structures qu’ils distribuent ;
- Le FSER tienne compte de cette situation inédite dans le cadre de l’allocation de ses aides aux radios associatives.
Enfin, nous appelons à une solidarité entre professionnel.le.s de la musique et du secteur culturel avec pour objectif qu’aucune structure ne disparaisse suite à cette crise sanitaire.
Si nous avons totalement conscience de la nécessité de ce temps de confinement pour nous protéger tous, et d’abord les plus fragiles, nous espérons bien évidemment qu’une sortie de crise sanitaire pourra nous permettre de rebondir et d’offrir à nos concitoyen.ne.s le lien social et culturel renouvelé dont nous aurons tant besoin.
Dans cette épreuve, nous tenons à saluer chaleureusement le travail de nos consœurs et confrères des secteurs de la santé et du social qui sont en première ligne et sans qui rien ne pourrait être envisagé. Au-delà, nous mesurons tous aujourd’hui le caractère essentiel de l’ensemble des services publics et, plus largement encore, de tous ces métiers trop longtemps dévalorisés qui sont les seuls véritables garants de notre unité nationale.
Le fléau qui nous frappe nous interpelle sur l’impératif de repenser nos sociétés en remettant l’intérêt général au centre et en réaffirmant, précisément dans ces temps complexes, l’importance des droits culturels des personnes et du respect des droits humains fondamentaux.
*Les organisations signataires :
FAMDT – Fédération des acteurs et Actrices de Musiques et Danses Traditionnelles
FEDELIMA – Fédération de lieux de musiques actuelles
FELIN – Fédération nationale des labels indépendants
FERAROCK – Fédération des Radios Associatives Musiques Actuelles
FNEIJMA – Fédération des écoles d’influence jazz et musiques actuelles
SMA – Syndicat des Musiques Actuelles
UFISC – Union Fédérale d’Intervention des Structures Culturelles
ZONE FRANCHE – Le réseau des musiques du monde
FEMA – Fédération Musiques Actuelles Bourgogne-Franche-Comté
FRACA-MA – La Fédération régionale des Acteurs Culturels et Associatifs – Musiques Actuelles (Centre)
GRAND BUREAU – Réseau musiques actuelles Auvergne-Rhône-Alpes
HAUTE FIDÉLITÉ – Pôle régional des musiques actuelles Hauts-de-France
OCTOPUS – Fédération des Musiques Actuelles en Occitanie
PAM – Pôle de coopération des Acteurs de la filière Musicale en région Sud & Corse
POLCA – Pôle musiques actuelles Champagne-Ardenne
LE PÔLE – Le Pôle de coopération pour les musiques actuelles en Pays de la Loire
PRMA – Pôle régional des musiques actuelles de la Réunion
RIF – Réseau des Musiques Actuelles en Île-de-France
RIM – Réseau des Indépendants de la Musique (Nouvelle-Aquitaine)
RMAN – Réseau des Musiques Actuelles en Normandie